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Vie des affaires

SARL

La création d’une activité concurrente par le gérant peut être loyale

Le gérant qui crée une activité concurrente ne manque pas à son devoir de loyauté dès lors que les associés ont unanimement validé l’opération.

Devoir de loyauté du gérant

Rappel du principe. - Le dirigeant est tenu en cette qualité à une obligation de loyauté et de fidélité à l’égard de la société qu’il dirige (cass. com. 24 février 1998, n°96-12638).

Ainsi, est condamnable le gérant qui crée ou exploite une activité concurrente à celle de son entreprise (cass. com. 6 juin 2001, n°98-16390 ; cass. com. 12 février 2002, n°00-11602). De même, un gérant ne peut pas négocier, pour le compte d’une autre société, un marché dans un même domaine d’activité (cass. com. 15 novembre 2011, n°10-15049).

Sanction. - Le gérant manquant à son devoir de loyauté engage sa responsabilité envers la société ou les tiers en application des dispositions de l’article L. 223-22 du code de commerce.

Atténuation du devoir de loyauté

Création d’une activité concurrente… - Une SARL commercialise des meubles de bar et des tables de restaurant.

En date du 25 novembre 2010, le gérant de cette SARL crée avec son père une nouvelle société d’aménagement de restaurant.

Sur les rapports de gestion de la SARL des exercices 2012 et 2013, qui ont été unanimement approuvés par les associés, il est envisagé de confier à cette seconde société la création et la fabrication de tables et de crédences et d'affecter à l'activité de cette société une partie du marché de la SARL.

Par des échanges en juillet 2014, les deux sociétés confirment leur collaboration et se mettent d'accord sur la répartition du marché des restaurants entre elles.

Le gérant de la SARL est révoqué de ses fonctions le 31 janvier 2015.

…non sanctionnée pour manquement au devoir de loyauté. - Estimant que le gérant ne peut négocier, pour le compte d’une autre société, un marché dans le même domaine d’activité que son entreprise, la SARL assigne son gérant pour concurrence déloyale et lui réclame des dommages et intérêts.

Sa demande est rejetée et la Cour de cassation valide cette décision.

Selon la Cour, le gérant ne manque pas à son devoir de loyauté dès lors qu’il a obtenu l’autorisation unanime des associés pour exercer, à titre personnel ou par l’intermédiaire d’une autre société, une activité similaire à celle de la société qu’il dirige.

En effet, les juges relèvent que les associés de la SARL ont admis dès l’origine le développement d'un marché concurrent par le gérant :

-d’une part, en approuvant les rapports de gestion et en donnant quitus de la gérance ;

-d’autre part, en prenant acte des messages échangés qui exposaient clairement la répartition du marché entre les deux sociétés.

En conséquence, les faits de concurrence exercés par ce gérant ne sont pas illicites.

En outre, la SARL est, quant à elle, condamnée au titre de la concurrence déloyale pour avoir livré des produits relevant du marché de l’autre société à hauteur de 13 000 €.

Acceptation implicite des associés. La SARL soutenait également que l’accord unanime des associés était sans effet puisqu'il n’avait pas été formalisé dans le cadre d’une assemblée générale.

Cependant, la Cour de cassation balaye l’argument et relève que l’accord unanime des associés traduit une volonté non équivoque de la SARL de renoncer à dénoncer des actes de concurrence déloyale du gérant.

Ainsi, peu importe que la décision des associés n'ait pas été prise en assemblée.

Pour aller pour loin :

« Le mémento de la SARL et de l'EURL », RF WEB 2018-2, § 390

cass. com. 18 mars 2020, n°18-17010